Interview jamais diffusée et datant de décembre 2017.
BDC Iron: Bonjour, et tout d’abord merci Christian Ballandras d’accepter cette petite interview.

Vous êtes le scénariste du jeu Mandragore, sorti sur de nombreux ordinateurs des années 80 dont l’Amstrad CPC, ce pour quoi je vous ai recherché afin d’en savoir plus.
Mandragore est sur CPC un des rares RPG et sans aucun doute l’un des premiers. Cette originalité pour l’époque a fait de ce jeu une sorte de légende à laquelle vous avez participé.
Christian: Bonjour, merci à vous plutôt, vous me donnez un peu l’impression d’être moi-même une légende (ou un dinosaure, au choix, j’ai l’âge d’être les deux !)
BDC Iron: Je vous laisse vous présenter; nous donner votre parcours.
Christian: Il est au fond assez étrange que j’ai participé à cette légende : je n’ai jamais été fan de jeux vidéo, je crois d’ailleurs n’avoir jamais vraiment joué à Mandragore… Fan de science-fiction et d’héroïc fantasy, ça oui, mais dans la littérature et le cinéma ; j’en écrivais depuis l’adolescence. Ecrire a toujours été mon loisir favori. Mais je tiens à rétablir un fait qui vous a sans doute échappé : je ne suis pas l’unique scénariste de Mandragore, que l’on doit bel et bien reconnaître comme le fruit d’un étroite collaboration entre Marc Cecchi le concepteur/programmeur, Bruno Bonnell le PDG des éditions Infogrames, et moi.
BDC Iron: Vous êtes donc co-auteur du scénario. Marc Cecchi déclarait dans une interview d’époque que vous étiez un ami « kiné » qui écrit des romans.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont vous fûtes amené à participer au projet ? Quel en est le point de départ ?
Christian: Bruno Bonnell et moi sommes devenus amis sur les bancs du lycée Jean Perrin à Lyon en 1973. Nous partagions cette passion pour la SF, pour l’écriture aussi. Puis nous nous perdîmes momentanément de vue durant quelques années, le temps pour lui de réussir ses études d’ingénieur et pour moi de devenir, par hasard pourrait-on dire (ou par défaut…), kinésithérapeute. Et un beau jour de printemps 1984, Bruno me recontacte, il vient de fonder Infogrames l’année précédente, il me fait découvrir son monde et me propose de mettre ma plume à son service sur plusieurs projets qui lui tiennent à cœur, dont Mandragore le premier – et le plus emblématique.

BDC Iron: Le jeu en lui-même dispose d’une nouvelle de 9 chapitres, ce qui est déjà assez long quand on compare aux autres scénarios de jeu.
De quoi vous êtes vous inspiré pour celle-ci afin de créer l’univers héroïc-fantasy qui s’en dégage ? Y a t’il eu des « références » à votre écriture ?
Christian: Principalement l’univers de Robert E. Howard (Conan le Barbare). Je serais de bien mauvaise foi si je disais le contraire ! Et aussi Michael Moorcock (la saga d’Elric le Nécromancien) et J.R.R. Tolkien (eh oui, le Hobbit,déjà !). Mais Howard était clairement mon modèle de prédilection (pour cette histoire-là du moins). Mes amis coscénaristes, quant à eux, s’inspiraient en outre de Donjons et Dragons, que je ne connaissais pas encore.
BDC Iron: En plus de la notice de jeu, la possibilité était offerte à qui le désirait d’acheter un roman d’une bonne centaine de pages. J’ai personnellement enfin trouvé ce livre à l’achat dernièrement et l’attend avec impatience. C’est donc sans l’avoir lu que je réalise cette interview… Mais d’où vient l’idée de ce roman ? Était-il question dès le départ de l’écrire ou cela fût-il un ajout suite à la première nouvelle accompagnant le jeu ? Pouvez-vous nous en dire plus la dessus ?
Christian: L’idée, c’est Bonnell qui l’a eue. La nouvelle dans le manuel l’a tellement emballé qu’il m’a dit : « Il faut absolument que tu m’en fasses un roman, on va innover, en le proposant comme produit dérivé sur commande ! » Je l’ai écrit en un mois en m’amusant beaucoup, malgré l’exigence qui consistait à parsemer le livre d’indices précieux pour les joueurs, et le résultat a finalement approché les 200 pages (180 je crois).
BDC Iron: Quelles-ont été les interactions entre programmeur et scénariste ? Est-ce le scénario qui a décidé du jeu ou le jeu en lui même vous a-t’il forcé à vous limiter dans le scénario ?
Christian: Comme je l’ai dit, le chef programmeur, Marc Cecchi, était coscénariste ; il avait apporté au départ une trame plutôt imprécise, beaucoup de donjons, des profils de personnages, des sprites, des programmes, mais il manquait de matière scénaristique. Tout a donc mûri au fil de nos nombreux brainstormings à 3, où Bonnell était le parfait trait d’union entre Cecchi, le scientifique, et moi, le littéraire. Pour moi, le travail qui de prime abord devait être une adaptation stricto sensu, devint en fin de compte une interaction, les impératifs du jeu influençant le scénario et vice versa.
BDC Iron: Le manuel ne le précisant pas, savez-vous qui est l’auteur des illustrations de celui-ci ?
Christian: C’est Agnès Belmudès, soeur de Marc Cecchi. A l’exception de la première de couverture, oeuvre de Nams, un dessinateur de BD, ancien lui aussi du Lycée Jean Perrin.
BDC Iron: Avez-vous des anecdotes à nous raconter sur cette époque ou vous créiez ce jeu et son univers ?
Christian: Nos séances de travail étaient parfois surréalistes. Bruno Bonnell pouvait soudainement décider d’emmener toute l’équipe de Mandragore et ses salariés au cinéma, pendant les heures de travail, lorsque sortait un film propre à stimuler nos imaginations. Comme par exemple Indiana Jones et le Temple maudit. De retour aux bureaux nous débattions longuement des effets spéciaux, des trouvailles de mise en scène, des qualités et défauts du film, avant de revenir tout revigorés aux donjons de Mandragore…

BDC Iron: Vous reste-t’il des exemplaires de votre roman ? (on ne sait jamais ^^)
Christian: Hélas non, je n’en détiens plus qu’un, comme une précieuse relique…
BDC Iron: Les derniers mots sont pour vous, n’hésitez pas !!!
Christian: Couronnement de nos efforts, le jeu reçut le Premier Prix Arcade 1984 du ministère de la Culture, ce qui nous incita à relancer l’aventure l’année suivante sous la forme d’un nouveau jeu reprenant les recettes de Mandragore dans un univers purement SF, avec cette fois comme influences assumées Star Wars et le cycle de Dune de Frank Herbert. Le produit marcha bien, toutefois il n’est pas, lui, entré dans la légende…
BDC Iron: Merci Christian Ballandras d’avoir bien voulu nous accorder un peu de temps et bravo pour le scénario fantastique de ce jeu qui m’a tant fait rêver dans ma jeunesse (au point que j’utilise une partie du texte dans une démo ^^).
Christian: Merci encore à vous, de m’avoir fait revivre ces bons souvenirs. Même si par la suite j’ai préféré écrire des romans plus classiques (j’allais dire plus ambitieux), je ne renie rien de cette période « héroïque ».
Mandragore, je crois que c’est un des premiers jeux que j’ai vu en cassette et auquel j’ai joué, c’était sur MO5 … Si ma mémoire ne me fait pas defaut 😉
Oui en fait il a été connu en premier sur MO5 en fait.
Ah ben voila,je comprend mieux …